Lecture: « La Bachelette », d’André-Hubert Hérault

J’ai profité de la tranquillité de Noël pour dévorer « La Bachelette », le dernier livre d’André-Hubert Hérault, génial éditeur-écrivain, natif, habitant et chantre de Maulévrier.

Ce roman historique campé à l’époque de Louis XV (1738) à Maulévrier et ses proches environs m’a beaucoup plu, et je dois l’avouer, ému aussi.

La Bachelette, c’est cette tradition qui consiste chaque année à élire parmi les gars en âge de se marier un roi, qui est celui qui réussit, monté à cheval, à jeter une pièce dans l’oeillard d’une ancienne meule de moulin.

Je ne raconterai pas l’intrigue —bien ficelée— et son dénouement.

C’est très joliment écrit, et l’atmosphère et la vie du bourg et des campagnes de l’époque sont très bien rendues.

L’auteur raconte un monde largement disparu. Un monde stable, où rien ne change ou presque, on écrirait presque de l’éternel retour. Un monde enclos autour de sa paroisse, centré sur soi, un monde que n’ont pas encore envahi et bouleversé le progrès et la croissance économique, la pollution, la libération des moeurs, l’insatisfaction et la revendication permanentes (“Ils vivent à une époque où personne n’a encore eu l’idée de se créer des problèmes inexistants”), etc. Un monde très religieux, où la foi est profonde et naïve, et imprégné de religiosité, dont les rythmes avec ceux de la nature scandent la vie des hommes. Un monde aussi d’où la gaieté et la joie ne sont pas absentes, et trouvent à s’épancher lors des nombreuses fêtes.

Ce pays de bocage, loin d’isoler les populations, est aussi source d’une forte et vibrante sociabilité.

L’homme y vit à l’unisson de la nature, d’autant plus que c’est d’abord un monde de paysans (le héros est le fils d’un fermier aisé), et que la mécanisation, fille du développement économique et technologique plus tardif (l’invention de la machine à vapeur n’est pas loin cependant), ne les a pas encore chassés des campagnes. Le livre contient de merveilleuses descriptions de la nature et des paysages à divers moments de la journée et de l’année.

On sent que l’auteur éprouve une certaine nostalgie de ces temps-là… des temps “simples”, une épithète qui revient comme un leitmotiv au fil de ces pages.

Mais ce roman est aussi une belle histoire d’amour, et après quelques contretemps qui rehaussent l’intrigue (quelques morts violentes à l’issue d’une collision entre “gabelous » – les agents du fisc de l’époque, pas toujours très recommandables – et « faux-sauniers”, c’est à dire les contrebandiers en sel, car l’Anjou fait partie des pays de “grande gabelle” où l’impôt royal sur le sel est le plus élevé dans le royaume ; mais aussi la fierté butée du père hostile à la perspective que son fils n’épouse pas la fille d’un paysan), l’auteur le fait triompher finalement.

Par la façon si vraie et émouvante que l’auteur dépeint la naissance et les manifestations de cet amour, ce livre mérite mieux que sa qualification de « roman historique ». C’est un roman tout court, et un très bon.

« La Bachelette, Dans le Haut Bocage vendéen au coeur du XVIIIè siècle », d’André-Hubert Hérault, roman publié en 2022 aux éditions feuillage.

NB: on précisera pour les lecteurs non-locaux que la région de Maulévrier n’appartient pas à la Vendée administrative, mais historiquement à la province d’Anjou, devenue Maine-et-Loire à la Révolution. Elle participa cependant à la guerre de Vendée (et lui donna avec Stofflet l’un de ses grands chefs de guerre), d’où le nom de « Vendée angevine » donnée à toute cette partie de l’Anjou, qui se confond largement avec les Mauges, entre Loire et Poitou, Layon et Bretagne.

Pour une présentation par l’auteur, cf. https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/maulevrier-49360/la-bachelette-d-andre-hubert-herault-une-plongee-dans-le-maulevrier-du-xviiie-siecle-e3b855b8-82a2-11ed-b803-59644496798c

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