La symphonie Babi Yar de Chostakovitch et la (nouvelle) guerre en Terre Sainte

Par un de ces hasards dont on se demande s’ils sont totalement des hasards, je viens de réécouter la symphonie n°13 de Dimitri Chostakovitch, sous-titrée Babi Yar.

Babi Yar, c’est le lieu — un ravin— aux abords de Kiev (Kyiv selon l’orthographe ukrainienne) où le plus grand massacre de Juifs ukrainiens fut perpétré par les SS (Einsatzgruppen) à la fin de septembre 1941. 33 771 Juifs furent assassinés par les nazis et leurs collaborateurs locaux1.

Je suis passé aux abords de ce lieu de mémoire (que rien alors ne signalait à l’attention) à l’époque où mon travail m’amenait en Ukraine.

Babi Yar (photo prise par le photographe militaire nazi Johannes Hähle en octobre 1941, juste après le grand massacre2)

La civilisation, c’est quand il n’y a plus de Babi Yar

Mais c’est aussi quand la souffrance subie —même la Shoah (catastrophe ou anéantissement en hébreu) — n’autorise pas à l’infliger aux autres.

Pas de paix durable dans cette minuscule portion du Proche-Orient si l’on n’y établit pas deux Etats, ou à défaut, et plus crédiblement, une forme étatique binationale qui assure la représentation démocratique équitable et le respect des droits de plusieurs communautés, et les conditions pour leur coexistence pacifique.

Pas de paix durable si les descendants des victimes de la Shoah se comportent en colons dans des territoires dévolus aux Palestiniens3.

La condamnation des actions terroristes de Hamas ne vaut pas blanc-seing pour les actions injustes et illégales d’Israël (que la partie éclairée de sa population, et de nombreux Juifs que je connais, condamnent) vis-à-vis des populations arabes dans les territoires occupés. L’époque ne prête pas à la nuance ; elle est un devoir pourtant, si on veut progresser dans la voie de la paix.

Pas de paix durable si l’on n’arrive pas à faire taire les terroristes parmi les uns et les extrêmistes chez les autres.

Notes :

  1. Au total, environ 100 000 personnes y seront tuées au cours des deux années suivantes. En août et septembre 1943, le chef SS Paul Blobel fera exhumer les corps pour les brûler et les faire ainsi disparaître. ↩︎
  2. Source ↩︎
  3. Les « colonies » (implantations (settlements) en anglais) israéliennes dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, dont principalement la Cisjordanie et Jérusalem-Est compteraient environ 700 000 personnes. Avec l’arrivée de Netanyahou au pouvoir en 2009, leur développement s’est accéléré. Selon l’ONU et l’Union européenne, ces colonies sont illégales.

    En 1995, dans le cadre des accords d’Oslo II, toute la Cisjordanie (à l’exception de la ville d’Hébron) a été divisée en trois zones, sur la base de considérations démographiques qui ne reflètent ni les caractéristiques géographiques ni l’espace palestinien.
    Des zones palestiniennes à forte densité de population ont été désignées zones A et B, puis placées – de façon formelle – sous le contrôle total ou partiel de l’Autorité palestinienne. Ces zones sont non contiguës et constituent 165  » îlots  » dispersés à travers la Cisjordanie. Le reste du territoire, qui représente environ 60 % de la Cisjordanie, a été désigné zone C et reste sous contrôle israélien total. La zone C est contiguë et comprend toutes les colonies israéliennes. En outre, Israël contrôle tous les points de passage reliant la Cisjordanie à Israël et la Cisjordanie à la Jordanie. Il contrôle également toutes les routes menant aux zones A et B. En juin 2002, le cabinet israélien a décidé la construction de la barrière de séparation. L’emplacement des colonies a été un facteur clé dans la détermination du tracé de du mur, jetant ainsi les bases de l’annexion de fait de 81 colonies (y compris les 11 quartiers construits à Jérusalem-Est). Le tracé de la barrière – y compris les sections déjà construites ou en cours de construction ainsi que celles prévues – s’étend sur 712 kilomètres, soit plus de deux fois la longueur de la frontière entre Israël et la Cisjordanie elle-même. La barrière de séparation à Jérusalem a complètement isolé la ville du reste de la Cisjordanie. En 1997, Israël déclare toutes les zones de juridiction des colonies – totalisant quelque 54 000 hectares, soit près d’un dixième de la Cisjordanie – zones militaires interdites aux Palestiniens. Au total, quelque 176 500 hectares de terres, soit près d’un tiers de l’ensemble de la Cisjordanie, sont désormais déclarés zones militaires fermées.

    Les triangles bleus indiquent l’emplacement de colonies israéliennes ; le fond de carte bleu pâle la zone C (source: B’Tselem).

    Selon le site de l’ONG israélienne Centre d’Information Israélien pour les Droits de l’Homme dans les Territoires Occupés (B’Tselem)(excellente cartographie) : « Afin de consolider et d’étendre le contrôle sur les territoires qu’il occupe, Israël applique une multitude de mesures militaires, civiles, juridiques et administratives qui lui permettent de démanteler le territoire palestinien, de diviser sa population palestinienne en des dizaines d’enclaves et de détruire son tissu social, culturel et économique« . (Lien) ↩︎

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