
A Gaëlle, Nathalie, Philippe, et tous ces enseignants qui continuent d’y croire
Ce titre pourra surprendre, alors que le principe de laïcité républicaine —pour le défendre, l’attaquer ou l’assouplir— est dans toutes les bouches. J’emploie ici le mot sanctuaire dans son sens non religieux de « lieu protégé contre toute agression« 1.
L’enseignement (avec l’éducation dispensée d’abord dans le sein de la cellule familiale) est la fondation de tout le reste. C’est le vrai ressort de la puissance et de la richesse des Nations, et d’ailleurs Max Weber, dans une thèse célèbre, avait identifié un lien entre le protestantisme (qui mettait, plus que le catholicisme, l’accent sur l’alphabétisation, permettant la lecture de la Bible par chacun) et l’essor économique précoce de l’Europe, et d’abord de l’Europe protestante2. De la compétitivité (et donc de la souveraineté scientifique et technique) d’une nation, de l’épanouissement et de la liberté de chacune et de chacun par la réflexion et la culture, et la condition, la clé de l’égalité des chances.
L’école devrait être un sanctuaire. Un lieu d’où sont bannis et absents la violence, le prosélytisme religieux, l’endoctrinement idéologique. Un lieu où la valeur suprême est la transmission des savoirs. Un lieu où le maître enseigne, l’enfant apprend.
De cette école-là, qui fut encore celle de mon enfance, avec cours d’éducation civique en prime, nous sommes loin aujourd’hui. Et peut-être appartient-elle à un passé révolu, que nul ne pourra ressusciter. Car l’école est aussi un miroir de la société, et celle-ci évolue en bien (le numérique par exemple, qui démultiplie les possibilités d’apprendre s’il est bien utilisé) mais surtout ces derniers temps en pire.
Tous les indicateurs montrent une baisse du niveau éducatif en France. Au niveau objectif (les test PISA menés simultanément dans plusieurs pays auprès des élèves de 15 ans, sous l’égide de l’OCDE), mais aussi anecdotique (orthographe, baisse de la qualité du français parlé et écrit, des compétences numériques, etc.).
Il y a des causes anciennes et profondes à ce déclin.
A cette tendance lourde, s’ajoutent de nouveaux défis : les attaques contre les valeurs de la République telles que la laïcité et l’égalité entre filles et garçons, la montée de la violence et des agressions contre les professeurs, la contestation des enseignants et des enseignements (origine du monde, théorie de l’évolution, etc.), etc.
Une Mission de contrôle (ayant les pouvoirs d’une commission d’enquête) avait été instituée en 2023 par le Sénat sur « le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes« , suite à une demande de Mickaëlle Paty, la soeur de Samuel Paty, ce professeur de collège, héros de la République, assassiné en octobre 2020.
Le constat que dresse la Mission sénatoriale, et qu’elle vient de rendre public (6 mars 2024), est accablant3.
C’est celui d’une violence endémique dans les établissements scolaires, qui touche désormais le primaire comme le secondaire : « Les insultes, menaces, pressions et agressions constituent désormais le quotidien des enseignants ainsi que de l’ensemble du personnel administratif. Plus largement, c’est l’école de la République – et ses valeurs – qui doivent faire face à des coups de boutoir réguliers. La laïcité, mal connue, est rejetée et les contestations d’enseignement, tout comme la remise en cause de l’autorité de l’enseignant, sont en forte augmentation. Il serait erroné de croire que ces problématiques ne se limitent qu’à certains établissements scolaires : tous les territoires (…) sont concernés« .
Parmi ses 38 recommandations, elle appelle, entre autres, à renforcer le respect de la laïcité et la sécurité à l’école, et à mieux protéger et former les enseignants sur la laïcité.
Son rapport doit interpeller les responsables politiques et les citoyens, quelle que soit leur sensibilité. Car c’est aujourd’hui que ça se passe, et la destruction de l’école n’augure rien de bon pour l’avenir de notre pays, et la concorde entre ses habitants.
La première des priorités, le premier des devoirs pour redresser l’enseignement dans notre pays, c’est de refaire de l’école (au sens large) le sanctuaire qu’elle fut.
Notes :
- Larousse en ligne. ↩︎
- L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. 1904-1905. ↩︎
- Cf. page du site du Sénat. ↩︎
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