
Mon ami d’enfance, Philippe Benoiton, est mort dans la nuit du 16 au 17 avril 2024.
L’une des passions de Philippe était la voile. Dimanche 14 avril, il avait pris le départ à la Trinité sur Mer de la transat Cap Martinique 2024, en solo, un rêve qu’il caressait depuis si longtemps et qu’il lui était donné de réaliser enfin. Le 17 au matin, aux petites heures, au large du Cap Finisterre au nord-ouest de l’Espagne, les organisateurs ont perdu le contact avec son bateau. Son corps a été retrouvé peu après par les secours en mer espagnols.
Je suis choqué et bouleversé. C’était si brutal, inattendu, incompréhensible et injuste.
La mort n’est pas injuste par le seul fait d’arriver – c’est la loi de la nature – mais par le fait qu’elle oublie de donner un préavis, de crier gare, qu’elle arrive trop tôt, et surtout qu’elle frappe celui qui était en train de réaliser son rêve, et qui a rencontré dans la mer sa némésis.
Philippe était sans doute mon ami le plus ancien. Rencontré en maternelle au petit cours de Nicole Gourdon, avenue Foch à Cholet, vers l’année …1965 ou 1966. Nous sommes restés proches malgré nos parcours différents et avons cohabité un an ou deux à Paris lorsqu’il préparait le concours de l’école vétérinaire. Quelques souvenirs de franches rigolades et de coups pendables (selon les canons de notre époque de jeunesse bénie, bien sages selon ceux de l’époque actuelle).
Entre mille autres, un souvenir me revient. C’était fin 1975, ou 1976, nous étions dans la maison des Benoiton à Cholet, avenue Gambetta, et Philippe me faisait découvrir avec gourmandise le dernier album des Pink Floyd, les incontestables maîtres du rock progressif, comme on disait naguère : Wish you were. Le texte de Waters, la guitare de Gilmour, le clavier de Wright, la batterie de Mason. Et la chanson éponyme, hommage à leur ami, Syd Barrett, sombré dans la folie. Génial. Magique. I so much wish you were still here.
La distance puis ma longue expatriation britanniques ont fait que nous ne nous voyions pas tant que ça. C’était une amitié comparable à celle de la dégustation d’un vieil armagnac. La qualité suppléait la quantité. La rareté rehaussait l’agrément. Faisait aller à l’essentiel, que la fréquentation quotidienne éclipse.
Je pleure le départ prématuré d’un ami cher. Philippe était un garçon droit, très sociable, à l’intelligence curieuse, aux goûts simples, aux passions fortes, un peu secret aussi. Blagueur et chaleureux. Attentif. Disponible aux autres. D’une humeur toujours égale. Trouvant toujours un liseré d’argent au nuage le plus sombre. Un garçon fidèle, si j’en juge par notre amitié, qui a survécu à tout, même et surtout à mon mauvais caractère.
Son départ – et le poids de douleur qui m’écrase depuis quelques jours – me fait réaliser combien il m’était proche. Faut-il que quelqu’un parte pour découvrir combien on a pu l’aimer !
Je pense évidemment à son épouse, à ses deux filles, mais aussi à ses frères et sœurs si unis, aujourd’hui si désolés, si accablés. Très fort.
Je leur souhaite du courage, mais je sais qu’il n’est pas loin, là où il est, vous enveloppant de son regard malicieux et bienveillant.
J’espère que là où tu navigues l’océan est bleu et calme, et que ce couronnement de ton bonheur terrestre que tu cherchais dans cet audacieux défi sur mer tu le trouves aujourd’hui et pour toujours dans ce monde au delà du monde.
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