Le marché sordide de Trump avec l’Ukraine

22 février 2025

Les propositions (ou plutôt l’ultimatum) de Donald Trump sur l’Ukraine sont sidérantes et sordides.

En gros, les Américains proposent (demandent) que l’Ukraine leur cède à perpétuité la moitié des bénéfices tirés de ses droits miniers (terres rares notamment) et d’autres ressources nationales, ainsi que de ses ports, – un deal estimé à 500 milliards de dollars 1 – en échange de leur soutien, sans aucune précision quant à ce dernier.

Il s’agit en quelque sorte de « réparations », comme on disait après la Première Guerre Mondiale, pour l’aide apportée par les Etats-Unis à l’Ukraine.

Mais ce serait la première fois qu’on demande des réparations au pays qui a fait l’objet…d’une flagrante agression, et non au pays agresseur. 

Ce serait la première fois que les Etats-Unis (ou qu’un Etat démocratique) essaient de monnayer un soutien qui était – et aurait dû rester – motivé par des considérations de sécurité ou de confraternité démocratique ou de valeurs communes. 

Les Roosevelt, Truman, Marshall n’étaient pas des saints, mais ils ne faisaient pas la guerre comme on fait un investissement financier, dans l’espoir d’un profit.

Certes, « les États n’ont pas d’amis, seulement des intérêts », selon un propos attribué au Général de Gaulle. Mais l’intérêt d’un Etat ce n’est pas seulement de récupérer le plus vite possible sous forme sonnante et trébuchante l’aide monétaire ou en nature qu’il a apportée, et surtout au moment même où l’Etat agressé et aidé – l’Ukraine – se trouve à un moment critique d’une guerre qui approche son troisième anniversaire 2, et a besoin qu’on l’aide encore plus. Un créancier intelligent n’est pas celui qui tue la poule aux oeufs d’or.

En outre, la valeur de ces réparations escomptées excède infiniment selon les analystes le coût de l’aide américaine (114 milliards de dollars, selon une estimation sérieuse 3). 

Surtout, la résistance héroïque des Ukrainiens a aidé les Etats-Unis (et l’Occident) bien au delà de cette approche sordidement comptable.

Comme l’écrit l’historien américain, professeur à l’université de Yale, Timothy Snyder :

« Les gains économiques et de sécurité que les États-Unis ont retirés de leur investissement en Ukraine sont beaucoup plus vastes. L’Ukraine a maintenu le conflit au niveau local, évitant ainsi l’instabilité économique mondiale et des pertes financières qui auraient été incalculablement plus importantes que les sommes évoquées ici. La résistance ukrainienne à la Russie, survenue à la fin de l’ère Covid, était l’une des conditions préalables à la reprise économique mondiale. Les Ukrainiens ont essentiellement rempli toute la mission de l’OTAN, en absorbant à eux seuls la force de toute l’armée russe et en épargnant à d’autres, dont les États-Unis, les coûts bien plus élevés d’une guerre plus vaste. En repoussant la Russie, les Ukrainiens ont également dissuadé l’agression chinoise dans le Pacifique, en démontrant à quel point les opérations offensives peuvent être coûteuses et difficiles » 4

En agissant ainsi, Trump insulte l’héroïsme des Ukrainiens, fait le jeu de Poutine, discrédite son propre pays, s’aliène les Européens, et fracture encore plus l’Occident. 

Europe, réveille-toi ! 

Notes :

  1. Mais on ne sait pas grand-chose de plus sur ce deal, rejeté par le président Zélinsky. ↩︎
  2. L’invasion russe a démarré le 24 février 2022. ↩︎
  3. Kiel Institute for the World Economy, https://www.ifw-kiel.de/topics/war-against-ukraine/ukraine-support-tracker/ ↩︎
  4. Extrait de son article intitulé « « Recoup the costs », The sadism of American policy to war-torn Ukraine ». 21 février 2025. ↩︎

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