
2 juin 2025
« Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. »
Charles Péguy. Notre jeunesse (1910)
Deux forces travaillent à diviser la France, à saper sa cohésion sociale, et à miner « le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune », qui définit une Nation, selon le mot célèbre de Renan 1.
Je me penche dans cet article sur deux types de détestation de la France – celle qui anime une partie de la population issue de l’immigration, et qui a trouvé un exutoire dans les violences qui ont suivi la victoire du Paris-Saint-Germain (PSG) en finale de la Ligue des champions le 31 mai dernier, et celle qui émane de certains intellectuels et hommes politiques.
Ces immigrés et Français issus de l’immigration qui n’aiment pas la France
10 % environ de la population française sont issus de l’immigration régulière 2. Ils habitent en France mais sont nés à l’étranger. Un tiers a acquis la nationalité française. Les descendants d’immigrés (en se limitant aux seconde et troisième génération) représentent à leur tour quelque 20% de la population 3. Or, une proportion significative de ces immigrés et de leurs descendants ne veulent pas ou plus s’intégrer à la société française. Bon nombre des Français issus de l’immigration africaine et musulmane ne se sentent pas vraiment français, voire même préfèrent la charia aux lois de la République 4. Ceux que certains ont surnommés les « Français de papier » possèdent la nationalité et le droit de vote, mais ils n’éprouvent pas le sentiment d’appartenir à la communauté nationale, la fierté d’être français. La France, c’est ainsi un concept utilitaire, un ensemble de commodités, et de droits, dont on serait privé si l’on continuait de vivre dans son pays d’origine : accès aux services publics gratuits, aux allocations 5, etc. Certains pluri-nationaux 6 donnent la primauté dans leur allégeance à leur nationalité d’origine ou celle de leur famille, indice d’une intégration défectueuse dans la nation française 7. Cela se voit de façon anecdotique lors de certaines rencontres sportives opposant la France à un pays d’origine, les drapeaux dudit pays – le pays de coeur – éclipsent le drapeau tricolore.
Certains, aujourd’hui une minorité (mais demain ?), travaillent résolument et presque ouvertement à l’instauration d’un régime islamiste. Un rapport récent, publié par le Ministère de l’Intérieur, a documenté la progression de l’influence et même de l’entrisme du mouvement islamiste des Frères musulmans, qui mènent une « stratégie mêlant dissimulation, recherche de légitimation et victimisation » 8. Rapport officiel qui corrobore les analyses du livre collectif dirigé par Bernard Rougier sur « les territoires conquis de l’islamisme » publié en 2020.
La conséquence, c’est le refus de s’assimiler, la montée du communautarisme – défini par le Larousse comme la « tendance d’une minorité à s’isoler du reste de la société et à revendiquer des droits particuliers » 9, voire du séparatisme, c’est à dire « l’attitude de certains groupes ou individus qui s’isolent volontairement du reste de la société, refusant de respecter les règles communes et revendiquant des lois, des normes ou des pratiques qui s’opposent aux principes de la République » 10. C’est à dire, en somme, l’échec du projet de la République (« indivisible », selon l’article 1er de notre Constitution, il est vrai passablement ambigu), de l’assimilation, la dislocation progressive de la société française, la fracturation de la Nation.
Comment interpréter les violences, actes de vandalisme, et pillages à Paris et en province qui ont suivi l’éclatante victoire du PSG le 31 mai dernier ? Il est difficile – après que les mêmes scènes avaient entaché la finale de 2022 entre Real Madrid et Liverpool au Stade de France – de ne pas y déceler une forme de ressentiment contre le pays d’accueil de la part de la jeunesse issue de cette immigration. Car cette victoire (la première pour le club de Paris) aurait dû être l’occasion d’une liesse populaire, qui s’est exprimée, mais a été vite éclipsée par la violence de hordes qui ont saisi ce prétexte pour se déchaîner contre leurs cibles habituelles : forces de l’ordre, boutiques, mobilier urbain, etc. Violence parfois mâtinée de racisme anti-Blancs 11. Certains incriminent le laxisme de la justice pénale. D’autres – analysant les émeutes de 2023 – lient les émeutes à la ségrégation scolaire, eu égard à la surreprésentation des collèges publics très populaires et très homogènes (peu de mixité sociale) au sein des communes concernées par les émeutes 12. Mais la question qu’on ne peut éluder est comment a t-on pu en arriver là, à ces éruptions périodiques de violence, qui paraissent distinguer la France d’autres pays comparables ? Qu’a fait la France pour susciter cette rage ?
Quoi qu’il en soit, il faut y répondre et au delà de la fermeté pénale, je n’aperçois que les mesures suivantes : d’abord et avant tout, renforcer l’intégration et la capacité intégratrice de la société française 13, notamment en neutralisant le prosélytisme islamiste, qui agit comme un acide de dés-intégration ; mais aussi, réduire drastiquement l’immigration, en n’acceptant plus qu’une immigration choisie – économique -, et en luttant vigoureusement contre l’immigration clandestine ; et durcir les conditions d’acquisition de la nationalité française, notamment le droit du sol, pour qu’il n’y ait plus d’automaticité, et qu’elle soit soumise à des critères plus stricts de résidence, de services rendus, et de réussite à des tests d’assimilation (maîtrise de la langue, etc.)
Ces Français qui n’aiment pas la France
Un autre type de détestation de la France est celle qui émane de ces politiciens et intellectuels français – de souche ou non – qui accueillent avec indifférence la perspective d’une disparition du peuple français originel, quand ils ne l’appellent pas de leurs voeux, ou le soumettraient à une contrition perpétuelle pour expier des fautes passées, réelles ou imaginaires, la colonisation par exemple.
Je fais référence aux propos de l’acteur (excellent quand il se borne à ce registre) Mathieu Kassovitz, qui déclarait récemment qu’il n’y avait plus de Français de souche, avant de corriger : « si, il y a des Français de souche, c’est ce qu’on appelle des fins de race». Et d’expliquer : « Je voulais juste dire que le Français de souche va bientôt s’éteindre parce qu’il va se mélanger avec des étrangers, pas forcément des noirs ou des Arabes, mais peut être des Belges, des Finlandais […], des gens d’un peu partout. Les billets de train [ne] sont pas chers donc les gens se mélangent : on est dans la mondialisation. » 14 La version extrême, idéologique, de ce sentiment, c’est celle qu’on entend chez un Mélenchon, qui s’est fait l’avocat de la créolisation, notion empruntée au philosophe antillais Edouard Glissant 15, et prélude à l’avènement d’une « nouvelle France ».
Et puis il y a tous ceux qui professent ouvertement la haine de la France, qui en ont fait leur fonds de commerce. Les idéologies indigéniste, décolonialiste, et autres variétés de l’hydre wokiste se sont attachées à déconstruire l’histoire de notre pays, mettant en exergue son racisme forcément « systémique » 16 17. Ce discours a commencé d’infuser la classe politique progressiste bien au delà de LFI et de la gauche. Comment n’en pas reconnaître l’influence dans la repentance chronique et les déclarations du président Macron sur les « crimes contre l’humanité » perpétrés par la France en Algérie ? Si même la plus haute autorité politique du pays le dit, alors 18…
Il est clair qu’avec l’implosion démographique que connaît désormais la France à la suite des autres pays européens (taux de fécondité inférieur au taux de remplacement), l’immigration massive, le maintien d’un taux de fécondité des femmes issues de l’immigration supérieur à celui des Françaises de souche, et l’échec de l’assimilation, la part des Français de souche dans la population totale de la France va diminuer, et, sauf retournement de ces tendances, finira par devenir minoritaire, aux environs de 2070 selon l’universitaire Pierre Albertini 19. Il en résultera, bien avant cette date, une rupture anthropologique majeure si l’immigration d’origine africaine et musulmane reste importante et prédominante, et le risque, si le droit du sol n’est pas réformé, que les citoyens français de souche se retrouvent politiquement minoritaires sur leur propre sol. Michel Houellebecq n’aura eu le tort – en faisant élire dans son roman Soumission (2015) un président islamiste dès 2022 – que d’être exagérément pessimiste.
Il se peut que le futur ne valide pas le scénario-catastrophe d’un pays voué à la guerre civile ou des convulsions récurrentes, soit que, comme une divine surprise, le creuset assimilateur de la France se remette à fonctionner, soit que la créolisation commence à opérer, débouchant sur la « nouvelle France » que Mélenchon appelle de ses voeux, soit encore que le communautarisme s’impose mais en clé pacifique, sur le modèle (de plus en plus déréglé) anglo-saxon.
Un je ne sais quoi – peut-être le spectacle évidemment barbare de ces derniers jours – m’empêche d’être optimiste, mais je voudrais tant avoir tort, et pouvoir travailler à ce que la haine cesse d’étendre ses métastases dans notre vieux et cher pays.
Notes :
- Qu’est-ce qu’une nation ? Conférence prononcée à La Sorbonne le 11 mars 1882. ↩︎
- En 2023, 7,2 millions d’immigrés vivent en France hors Mayotte, soit 10,6 % de la population. Les personnes immigrées sont nées à l’étranger avec une nationalité étrangère, mais ont pu acquérir la nationalité française par la suite : 34 % des immigrés vivant en France hors Mayotte en 2023 possèdent la nationalité française. Entre 2013 et 2023, le nombre d’immigrés en France a augmenté de 2,1 % par an en moyenne contre 0,3 % pour l’ensemble de la population. 47 % des immigrés vivant en France hors Mayotte sont nés en Afrique, dont 29 % sont originaires du Maghreb, cette dernière proportion étant stable depuis les années 1980. ↩︎
- En 2023, il y avait en France quelque 8,015 millions descendants d’immigré (seconde génération), c’est à dire des personnes nées en France, dont au moins un des deux parents est immigré – soit 12,1 % de la population vivant en France hors Mayotte. 3,6 millions d’entre eux (45%) sont originaires du Maghreb ou d’Afrique sub-saharienne. Toutes origines confondues, la moitié des descendants d’immigrés ont moins de 26 ans. Source.
Aux immigrés, et aux descendants d’immigrés (seconde génération), il faut ajouter quelque 4,8 millions de personnes (en France métropolitaine et en 2019-20), qui sont des descendants d’immigrés de troisième génération, c’est‑à‑dire des personnes nées en France, de parents non immigrés, ayant au moins un grand‑parent immigré. Source. ↩︎ - Selon un sondage IFOP publié en 2020, 38% musulmans résidant en France (et 57% des jeunes musulmans de moins de 25 ans) considèrent que la Charia est plus importante que la loi de la République. Source. ↩︎
- « Nous, Monsieur, on sait pourquoi on est en France ! C’est pour la CAF ! ». Entretien cité par Anne-Sophie Nogaret et Sami Biasoni dans leur livre, Français malgré eux (2019). ↩︎
- La loi française n’exige pas qu’un étranger devenu Français renonce à sa nationalité d’origine ; elle n’exige pas non plus qu’un Français ayant acquis une autre nationalité renonce à la nationalité française. ↩︎
- On ne connaît pas bien le nombre de bi-nationaux, qui ne sont pas dénombrés par les recensements. Une enquête relativement ancienne de l’INED (« Trajectoires et Origines » 2010) avait établi que « Les doubles-nationaux représentent 5 % de la population de France métropolitaine âgée de 18 à 50 ans, dont 90 % sont immigrés ou descendants d’immigrés. Près de la moitié des immigrés ayant acquis la nationalité française ont conservé leur nationalité d’origine. (…) Plus des deux tiers des immigrés du Maghreb, 55 % des immigrés de Turquie et 43% de ceux du Portugal combinent la nationalité française et celle de leur pays d’origine. (…) Les descendants d’immigrés gardent également un attachement à la nationalité d’origine de leur(s) parent(s). Près du tiers des descendants ayant deux parents immigrés déclarent une double nationalité. (…) Ce sont les descendants d’origine turque qui se montrent les plus attachés à la nationalité transmise par leurs parents, mais le tiers des descendants d’Algériens, de Marocains et de Tunisiens sont également dans ce cas de figure. (…) La double nationalité est significativement associée avec un plus fort sentiment d’appartenance au pays d’origine (le sien ou celui de ses parents). » Source. ↩︎
- Frères musulmans et islamisme politique en France. Mai 2025. Source. ↩︎
- Ce terme est rejeté par certains intellectuels – de gauche, pour faire simple – qui y voient un fantasme, une « chimère du nationalisme français », pour reprendre le titre d’un livre du chercheur Fabrice Dhume. Cf. son interview. Citation : « quand on parle d’islam en France, de banlieues, etc., les études sociologiques démontrent que de telles communautés n’existent pas (sic). Il y a donc des présupposés racisants derrière ce mot, qui font croire que 1) les phénomènes auxquels on assiste sont liés à des communautés substantielles 2) qui, par leur existence, leurs pratiques ou leur revendications, menaceraient l’unité nationale et les « valeurs de la République ». Ce mot est organisé par un prisme nationaliste, qui veut que la seule vraie communauté légitime soit la nation, et que toutes les autres appartenances soient en conséquence potentiellement menaçantes pour l’ordre social. Et donc, les gens ou les pratiques que l’on pense liés à ces « communautés » sont regardées avec soupçon ». ↩︎
- Frères musulmans et islamisme politique en France, op.cit. ↩︎
- Exemple, parmi d’autres, à Nantes. ↩︎
- Analyse comparée et socio-territoriale des émeutes de 2023 en France. 2023. Source. ↩︎
- Il faut aussi donner plus d’écho à ces enfants de l’immigration, qui clament (courageusement) leur loyauté à la France et à la République, tel, par exemple, le rappeur niçois Kaotik 747 (Karim Bouchagour au civil), cf. sa vidéo éloquente sur X. ↩︎
- Sur son compte Instagram, le 28 mai 2025. lien. ↩︎
- Sur sa pensée, cf. ce site. ↩︎
- Cf. entre autres Français malgré eux, d’Anne-Sophie Nogaret et Sami Biasoni (2019) et Pourquoi déconstruire ? : Origines philosophiques et avatars politiques de la French Theory de Pierre-André Taguieff (2022). ↩︎
- Sur le racisme systémique présumé de la société française, cf. l’étude de Vincent Tournier pour la Fondapol, Le Mythe de la France raciste (avril 2025), dans laquelle il soutient « qu’au cours du temps, sous l’effet de contraintes et de circonstances singulières, la société française a suivi une série de bifurcations qui l’ont amenée à récuser le racisme ». ↩︎
- Le « Champion mon frère » racoleur du tweet présidentiel aux supporters après la victoire du PSG n’aura pas empêché l’orgie de violences du frère en question, ou de son frère… Comme le dit justement le loup, dans la fable de la Fontaine, Le Loup et l’agneau : « si ce n’est toi, c’est donc ton frère ». ↩︎
- Source. ↩︎
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