
« O vous, frères humains, connaissez la joie de ne pas haïr. »
Albert Cohen, Ô vous, frères humains (1972)
13 juin 2025
Résumé : Le danger majeur qui pèse sur la France est peut-être la dislocation de son unité nationale, plus que les menaces économiques, climatiques ou militaires. Les tensions naissent du communautarisme, du rejet de la France par une partie de la jeunesse issue de l’immigration, et de conflits potentiels sur des bases ethniques, culturelles ou religieuses. Depuis 50 ans, la France a connu une immigration massive, principalement en provenance d’Afrique et de pays musulmans. La montée de l’islamisme agit comme un facteur contraire à l’intégration. Le droit français ne définit pas juridiquement l’intégration, et ne l’exige que mollement pour les demandes de naturalisation. En revanche, de nombreuses personnes obtiennent la nationalité par le droit du sol, sans vérification de leur assimilation. L’échec de l’intégration est patent surtout avec les descendants d’immigrés, devenus français automatiquement, en vertu du droit du sol. L’intégration repose sur trois piliers : le respect du pacte républicain (lois, démocratie, laïcité, symboles), du pacte culturel (langue, histoire, coutumes dans l’espace public), et l’insertion économique via le travail. La ghettoïsation, l’échec scolaire et les discriminations aggravent les tensions sociales. Il est essentiel de favoriser la réussite des jeunes issus de l’immigration, de promouvoir des exemples de réussite, et de lutter fermement contre les facteurs de désintégration que sont l’islamisme et le narcotrafic. Une politique d’intégration ambitieuse, ciblant les racines du problème, est urgente pour préserver l’unité et la cohésion nationales.
Le plus grand danger qui menace la Nation française, ce n’est pas une invasion russe, ce n’est pas la dette publique, ce n’est pas la désindustrialisation, ce n’est peut-être même pas le dérèglement climatique. Le plus grand danger qui menace la nation française, c’est peut-être celui d’une dislocation de notre société.
C’est le risque que cessent d’opérer ces agents d’unification, de coagulation, ces ciments qui au cours de plusieurs siècles, non sans tiraillements et sans crises, ont brassé peuples divers, langues différentes, vagues migratoires, et fabriqué le peuple français et la nation française 1.
L’unité de la nation française est menacée aujourd’hui par la montée du communautarisme et l’émergence d’une jeunesse ivre de ressentiment, qui ne se reconnaît plus en elle, ne désire plus s’y fondre, et s’attaque même à ses institutions, à ses symboles, à ses forces de l’ordre, et, dans quelques cas heureusement encore assez rares, à son peuple historique, que je n’ai pas de gêne à appeler les Français de souche. A terme, il y a peut-être le germe d’une guerre civile, sur la base de différences ethniques, culturelles ou religieuses inconciliables.
Ce phénomène est le résultat du changement d’échelle et d’origine de l’immigration qu’a accueillie notre pays depuis une cinquantaine d’année. La France a connu en effet durant cette période un afflux massif d’immigrés issus d’Afrique ou de pays musulmans, qui représentent la majorité des flux entrants depuis 2016 2. Mais la France subit aussi le contrecoup de la montée de l’islamisme, c’est à dire d’une interprétation radicale et parfois politique (chez les Frères musulmans) de l’Islam, qui agit comme une force de dés-intégration des Musulmans de France sensibles à leur discours 3. Peut-être faut-il y voir aussi l’effet des critiques de l’Occident articulées de l’extérieur par des régimes autoritaires comme la Russie, qui visent à affaiblir et disqualifier la France, notamment en Afrique francophone 4, et de l’intérieur par les idéologies décoloniale, indigéniste et woke, qui ont (encore) le vent en poupe dans certains milieux 5.
Les progrès du prosélytisme islamiste, la progression du narcotrafic et des éco-systèmes qui en vivent 6, la surdélinquance des populations issues de l’immigration 7, les débordements dans les établissements scolaires (mise en cause des enseignants ; violences), les éruptions de plus en plus fréquentes de troubles à l’ordre public (violence, pillage, vandalisme) à l’occasion de certains événements 8, et l’essor du racisme anti-Blanc (largement occulté par le camp de la bien-pensance) 9 invitent à s’interroger sur les raisons de l’incapacité de la société française à intégrer ces populations, et les solutions pour y remédier.
L’intégration, une notion non reconnue par le droit français
Il n’existe pas de définition juridique du terme intégration en droit français. Les seules exigences de la loi française en la matière, dans le cas d’une demande de naturalisation, sont d’être « de bonnes vie et moeurs », de ne pas avoir fait l’objet de certaines condamnations 10 (Article 21-23 du Code civil), et de justifier « de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, (…), et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République » 11. « A l’issue du contrôle de son assimilation (lors d’un entretien individuel), l’intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français » (op. cit, article 21-24).
Pas d’exigence d’intégration donc, mais une exigence d’assimilation appliquée – on se demande d’ailleurs avec quelle fermeté 12 – aux seuls candidats à la naturalisation. Or, le chiffre de ces dernières est relativement modeste (quelque 40 000 en 2023) par rapport au flux d’immigrés ou descendants d’immigrés qui deviennent français par un autre mode (mariage par exemple), ou automatiquement (les descendants d’immigrés) 13.
Le plus troublant, c’est qu’il semble que les difficultés d’intégration les plus aiguës se rencontrent non pas tant avec les immigrés au sens strict (la première génération), mais bien plutôt avec leurs descendants, de seconde ou troisième génération. Ceux-ci sont devenus des citoyens français de façon automatique en vertu du droit du sol 4. Le droit du sol prive la République de la possibilité de vérifier que le nouveau citoyen français est prêt à assumer les devoirs que cela implique. Cette désinvolture (laxisme ?) est sans doute ce qui a poussé tant de Comoriens à émigrer vers Mayotte, et, en réaction, motivé l’adoption d’une loi récente restreignant le droit du sol dans l’île 14.
Il conviendrait à coup sûr de revoir l’automaticité de l’attribution de la nationalité à 18 ans à un enfant né en France de deux parents étrangers (sous condition de résidence en France de 5 années depuis l’âge de 11 ans). En particulier, si le jeune en question est tombé sous le coup d’une condamnation pénale durant sa minorité. Peut-être faut-il aussi élargir la liste des cas de déchéance de nationalité, y compris aux personnes étant devenues françaises en vertu du droit du sol 15, et binationales 16. Mais ces mesures punitives ne sont que cela, punitives.
L’idéal, c’est que la répression n’ait pas à s’exercer, que ce pays que nous chérissons soit peuplé de bons citoyens désireux et heureux de vivre ensemble, dans l’harmonie, si ce n’est dans l’homogénéité.
Qu’est-ce que l’intégration ?
L’intégration n’est pas la fusion de l’immigré ou de son descendant dans la culture unique majoritaire, d’ailleurs beaucoup plus hétérogène et bigarrée qu’on ne croit. L’immigration peut être une chance, une source de richesse pour la France, ne serait-ce que par la diversité culturelle qu’elle permet. Un pays totalement endogame s’appauvrirait génétiquement et culturellement.
L’intégration parfaite serait de conquérir les coeurs – que l’on aime la France comme « la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs » qu’évoque le général de Gaulle dès la première page de ses Mémoires de guerre. A défaut d’amour, on demande a minima un assentiment.
Comment peut-on définir cette intégration minimale ?
L’intégration suppose d’abord le respect du pacte républicain : l’obéissance aux lois de la République, l’acceptation du processus démocratique, du pluralisme et des libertés publiques (dont la liberté d’expression), le respect dû à nos symboles (hymne, drapeau, grandes figures, etc.) La laïcité est au coeur de ce premier pacte. Elle est garantie par l’article 1er de la constitution et (pour l’éducation) par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Son interprétation concrète fait cependant toujours débat. Sans aucun doute, elle recouvre la neutralité de l’Etat, le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et le libre exercice des cultes 17. Au delà, et notamment en ce qui a trait au port du voile (hijab) et autres vêtements à caractère confessionnel marqué (burka, etc.), c’est la foire d’empoigne.
L’intégration suppose ensuite l’acceptation du pacte culturel : maîtrise de la langue – « haut fleuron de l’humaine couronne, ta langue qui est mienne et pays de mon âme, ta langue qui m’est aussi une patrie » écrivit d’elle au soir de sa vie l’écrivain immigré Albert Cohen 18– ; connaissance de bases sur l’histoire de France ; respect des coutumes, traditions et modes de vie du pays d’accueil : politesse, propreté, etc. Ce pacte culturel ne vaut que dans l’espace public. Chez soi, chacun retrouve sa souveraineté, dans les limites de ce que la loi ne prohibe pas – la gêne occasionnée à autrui par exemple.
L’intégration suppose enfin l’insertion économique, par le travail, indépendant ou salarié. On a fait croire que la France était un pays de cocagne, le pays des allocs, et que le malin, s’il sait les combines, peut se débrouiller pour vivre sans travailler. On pense à la fraude sociale, dont les estimations incertaines de son coût ne sauraient cacher l’ampleur considérable. S’insérer professionnellement, c’est acquérir une source de revenus, donc l’autonomie économique, mais aussi une source de dignité, et de socialisation au contact de ses collègues et clients.
Repenser la politique d’intégration
Comment atteindre ce résultat et quelles conséquences en tirer pour la conception d’une politique d’intégration à la hauteur de l’enjeu ?
Il faut que les parents éduquent leurs enfants au respect du pays hôte, de ses institutions, de ses lois, de ses coutumes et de ses habitants. Il y a certainement une faillite à ce niveau, une dont on voit mal comment les politiques publiques pourraient y remédier. Si les parents ne font pas leur devoir de parents, se vivent eux-mêmes en désaccord avec la nation et la République, l’oeuvre d’intégration est presque condamnée dans l’oeuf.
L’école n’est pas le lieu de l’éducation, mais de l’instruction. On ne peut pas lui demander plus qu’elle ne peut, surtout si du fait de la concentration des descendants d’immigrés dans les mêmes quartiers ou cités même l’instruction est vouée à l’échec 19. Cet échec de l’école est largement le reflet de la ghettoïsation 20, qui caractérise ces populations.
Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QVP), largement synonymes de ce que le langage courant désigne de façon péjorative les quartiers ou cités, souvent des grands ensembles bâtis à la hâte dans les années 60-70 (Les Minguettes, Le Mirail, etc.), concentrent les situations de précarité et d’exclusion. Le processus de ghettoïsation est complexe, et clairement l’intention des autorités publiques n’était pas au départ d’y concentrer les populations immigrées.
Intégrer ces populations implique donc d’abord de lutter contre la ghettoïsation. Vaste programme, qui demande de repenser notre politique d’urbanisme et de logement, et comment assurer une plus grande mixité dans l’habitat et dans les établissements scolaires.
Et puisque l’accès à l’instruction est la clé de l’accès à la culture (et donc de l’acculturation), on ne pourra bien intégrer qu’en relevant l’école après des années de déclin 21. En y restaurant la discipline et le respect dû aux professeurs. Et en renonçant à ce discours de repentance, cette auto-flagellation permanente dont le président Macron s’est fait une spécialité. Un pays qui ne se respecte plus a du mal à inspirer le respect…
Peut-être faudrait-il restaurer une forme de service militaire obligatoire (supprimé par Chirac en 1996), plus court et plus qualifiant, dont l’immense mérite lorsqu’il existait fut d’offrir un lieu de rencontre et de brassage de jeunes Français de tous milieux sociaux, scolaires et ethniques, et de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes qui y arrivaient sans aucune formation 22.
L’accès à l’emploi (et à la formation adéquate et de qualité qui le conditionne) est, quant à lui, la clé de l’insertion économique. Et cela implique de lutter contre les discriminations, qui malheureusement subsistent et qu’exacerbent – dans une sorte de spirale vicieuse – les phénomènes décrits plus hauts 23.
Je m’étonne à cet égard qu’on ne donne pas davantage de visibilité et la parole à ces enfants de l’immigration qui ont réussi. Je suis convaincu que leur exemple pourrait inspirer ces jeunes qui pensent que la France n’a rien à leur offrir, que les dés sont pipés, surtout lorsqu’on vit dans un ghetto, où se concentrent les échecs.
Mais ces efforts serviraient de peu si on ne luttait en parallèle contre les fauteurs de dés-intégration, comme l’islamisme et le narcotrafic. Le premier promet un salut en toc ; le second prospère en vendant illégalement un produit mortifère. La République doit être impitoyable avec ces agents de destruction, qui sapent l’unité du pays tout en gangrénant une partie de sa jeunesse. S’agissant du deuxième, la récente loi sur le narcotrafic 24 a marqué une avancée majeure.
Les difficultés d’intégration des populations issues de l’immigration africaine et/ou musulmane – dont les émeutes récentes ont illustré l’acuité, et notamment parmi les descendants d’immigrés – démontrent l’urgence d’une politique d’intégration ambitieuse.
Il faut que le creuset fonctionne, il faut que l’ascenseur social fonctionne, il faut que les lois de la République et la laïcité soient acceptées et observées. Et que la France soit sinon aimée, du moins respectée.
La répression ne peut traiter que les symptômes. Une politique ambitieuse doit s’attaquer aux racines du problème de mal-intégration, et vite. Pour réussir demain, et peut-être pour survivre demain, la France doit apprendre ou réapprendre à intégrer ces populations qui aujourd’hui s’en détachent 25. Si elle échoue, c’est sans doute qu’elle l’aura mérité 26.
Ps: Cet article traite d’intégration, donc du « stock » d’immigrés ou de leurs descendants. Pour endiguer la submersion migratoire en cours, il faut impérativement réduire les flux entrants, en limitant l’immigration régulière au profit d’une immigration choisie et justifiée par les besoins du pays (quotas), et en luttant strictement contre l’immigration irrégulière (délit d’entrée irrégulière ; limitation de l’AME ; amélioration de la mise en oeuvre des OQTF et mesures d’éloignement ; etc.) ; en durcissant le droit du sol (en étendant à l’ensemble du territoire la condition supplémentaire de séjour régulier des parents applicable à Mayotte) et autres modalités d’accès à la nationalité française (par mariage notamment).
Notes :
- Cf. parmi une abondante littérature sur le sujet, Naissance de la nation France, de Colette Beaune (1985), and Peasants into Frenchmen, d’ Eugen Weber (1976). ↩︎
- Source. ↩︎
- Ce que la démographe Michèle Tribalat appelle la « désécularisation des populations originaires de pays musulmans », qui contraste avec la « sécularisation de la société française ». Assimilation, la fin du modèle français. 2017. ↩︎
- Cf. mon article sur ce blog sur le recul de la France en Afrique. ↩︎
- Cf. mon article sur « les deux haines de la France » sur ce blog. ↩︎
- Sur le lien entre narcotrafic et immigration, cf. l’exemple de quelques communes bretonnes, lien. ↩︎
- Les statistiques du Ministère de l’intérieur ne permettent de connaître que la part des étrangers (environ 8% de la population totale). En 2023, 17% des « mis en cause » pour les homicides et coups et blessures volontaires, par exemples, sont des étrangers, 21% pour les vols avec armes, 31% pour les vols violents sans arme, 30% pour les vols sans violence contre des personnes, 38% pour les cambriolages de logements, 35% pour les vols dans ou sur des véhicules, 24% pour les Infractions voisines des escroqueries. La part des ressortissants africains représente entre la moitié et les deux-tiers du total, selon les infractions. Source : Insécurité et délinquance en 2023. ↩︎
- Comme la victoire du PSG en final de la Ligue des Champions le 31 mai 2025 ↩︎
- Cf. le livre de François Bousquet : Le Racisme antiblanc : l’enquête interdite. 2025. Et cette recension. ↩︎
- Condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, ou, quelle que soit l’infraction considérée, à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement, non assortie d’une mesure de sursis. idem pour celui qui a fait l’objet soit d’un arrêté d’expulsion non expressément rapporté ou abrogé, soit d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée, ou celui dont le séjour en France est irrégulier au regard des lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France. ↩︎
- Tout étranger qui demande un document de séjour ou le renouvellement d’un document de séjour a l’obligation de s’engager, par contrat, à respecter les principes de la République. Ce principe autorise cependant trop de dérogations. Il ne s’applique pas, par exemple, aux ressortissants algériens.
Par ailleurs, un contrat d’intégration républicaine (CIR) est conclu entre l’État français et tout étranger non européen admis au séjour en France souhaitant s’y installer durablement, sauf exceptions. Le signataire s’engage à suivre des formations pour favoriser son insertion dans la société française. La formation civique est obligatoire. Une formation linguistique peut être demandée en fonction du niveau en français. Là encore, il y a trop d’exceptions. ↩︎ - Comme si un entretien avec un fonctionnaire suffisait à établir le degré d’assimilation. Les candidats à la naturalisation doivent étudier un « livret du citoyen » de 25 pages , qui « sans être exhaustif, regroupe des exemples de connaissances attendues de tout(e) candidat(e) à la naturalisation ». ↩︎
- De 1999 à 2023, quelque 3,1 millions d’étrangers ont ainsi acquis la nationalité française, hors attribution automatique. Source : INSEE. ↩︎
- Loi du 12 mai 2025 visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte. Analyse ici. ↩︎
- La déchéance n’est possible que si la personne a acquis la nationalité française, par exemple, par naturalisation ou par déclaration de mariage. Une personne française d’origine ne peut pas être déchue de sa nationalité. De même, la déchéance ne peut être encourue que pour les faits commis avant l’acquisition de la nationalité française ou dans le délai de 10 ans à partir de l’acquisition de la nationalité française (ou 15 ans en cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou d’acte de terrorisme). ↩︎
- En effet, la déchéance ne saurait avoir pour effet de rendre une personne apatride ↩︎
- Source: Conseil constitutionnel. ↩︎
- op.cit. ↩︎
- La carte de l’échec scolaire coïncide largement avec celle des 1 362 QPV, qui regroupent quelque 5 millions d’habitants. Cf. par exemple cette étude du Céreq.
Le découpage en QPV, basé sur le critère unique du revenu des ménages, est issu de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, qui a entre autres supprimé les zones urbaines sensibles (ZUS).
L’INSEE a dressé un portrait des populations résidants dans ces QPV. Les habitants y sont plus jeunes que ceux de leurs « environnements urbains », c’est-à-dire le reste de l’unité urbaine dans laquelle se situe le quartier prioritaire (39% ont moins de 25 ans, contre 31%), sont plus souvent des personnes étrangères et immigrées (23% et 28%, soit 2,8 et 2,5 fois plus que dans les environnements urbains) et ont davantage d’enfants (26% des familles ont 3 ou 4 enfants, contre 15%). Les familles monoparentales – des mères dans neuf cas sur dix – y résident plus qu’ailleurs (17% des familles, contre 9%).
Les habitants des QPV sont majoritairement locataires de leur logement (85%), vivent en appartement (neuf sur dix) et occupent beaucoup plus souvent un logement social (62% contre 14%). « Un quart des couples avec enfants en QPV vivent dans un logement suroccupé, soit 2,8 fois plus que dans les environnements urbains », précise l’Insee. Cette part s’élève même à 43% pour les familles nombreuses et à 54% pour les « ménages complexes avec noyau familial » (c’est-à-dire composé d’au moins une autre personne, en plus de la famille nucléaire).
Du fait de « sorties plus précoces du système éducatif », le taux de scolarisation est plus bas : 60% des 15-24 ans, contre 70%. « Plus d’un quart des jeunes âgés de 16 à 25 ans en QPV ne sont ni en emploi ni en études », c’est le double par rapport aux environnements urbains. En 2022, la part des « Neet » (jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation) était de 11,6% parmi les 15-24 ans au niveau national (voir notre article). Les habitants des QPV sont aussi moins diplômés (44% sans aucun diplôme, contre 23%).
Enfin, le taux d’emploi est en QPV « nettement plus faible que dans les environnements urbains » : moins de la moitié des habitants, contre deux tiers. Cela est dû à la fois à un taux de chômage 2,3 fois plus élevé et à « un taux d’activité moindre ». Les travailleurs des quartiers sont plus souvent des employés (38% contre 27%) et des ouvriers (35% contre 16%) et les emplois occupés sont plus précaires (23% en habitants en emploi sont en CDD, contre 13%). ↩︎ - D’après l‘île de Ghetto à Venise, qui a été un lieu d’installation des Juifs chassés d’Espagne (1516). ↩︎
- Et dont j’ai traité dans un autre article de ce blog, à propos du pamphlet de Jean-Paul Brighelli. ↩︎
- Ce dont je peux témoigner à titre personnel, ayant effectué mon service militaire en 1986. Le service militaire était une fenêtre ouverte sur le reste de la société, que notre milieu d’origine, notre éducation, notre profession, nos goûts, etc. aboutissent à segmenter en silos sociaux, parfois étanches. ↩︎
- Selon le Rapport sur les discriminations en France, édition 2023 de l’Observatoire des inégalités, par exemple, un candidat au nom « français » a près de 50 % de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin. Lorsqu’il cherche un logement, le candidat au nom « français » a 50 % de chances en plus d’avoir un rendez-vous pour en visiter un que le candidat au nom africain. ↩︎
- Loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic », faisant suite à la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, créée en novembre 2023 au Sénat sur la proposition du groupe Les Républicains, et dont le rapport publié le 14 mai 2024 avait été adopté à l’unanimité. ↩︎
- Une « remigration » serait sans doute impossible à mettre en oeuvre, même si elle était souhaitable face à des cas avérés de rejet de l’intégration. La question se pose cependant pour les réfugiés, qui en théorie devraient faire retour dans leur pays d’origine une fois que la crise qui avait motivé leur départ a été résolue et la paix ou l’ordre a été rétablie. On sait qu’en pratique les réfugiés ne retournent pas dans leur pays. ↩︎
- A la suite de la publication du rapport du député Aurélien Taché sur le sujet en février 2018, le Premier ministre Edouard Philippe avait promis à Lyon le 19 février 2018 une « refondation » de cette politique. On l’attend toujours. ↩︎
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